FRANCESCO : L’EXPLORATEUR DU SUBCONSCIENT
Qui est Francesco? Grâce à une rencontre enrichissante, découvrez ce que j'ai vu de moi, ce que j'ai vu de l'artiste, ce que j'ai vu à travers ses peintures et enfin ce auquel il risque d'être confronté.
ART
LA CHEVELURE DE VENUS
ce que je vois de ses peintures
Nombre de ses peintures sont une ode aux femmes, avec en arrière-plan, diverses formes géométriques.
Ce qui attire mon œil est l’omniprésence de la chevelure. Elle est un symbole de la féminité certes, mais elle est aussi symboliquement l’extension de notre âme et de ce qu’elle renferme.
Dans de nombreuses traditions, les cheveux reflètent notre paysage intérieur et les couper revient à effacer une part de soi : les cheveux sont l’expression la plus parfaite de notre personnalité. Ils trahissent l’état de notre psychisme et reflètent notre paysage intérieur. Ils sont associés à la vitalité, à l’intuition, a la paix et à la sérénité.
Couper ses cheveux dans certaines traditions et dans son aspect symbolique revient à effacer une part de soi : A travers mon prisme, Francesco, loin de s’arrêter à la volupté immédiate des femmes et de leurs courbes s’aventurent dans les sinuosités et les arrière-plans de leur conscience.
Tel un ausculteur de l’âme, la chevelure de la femme est une radiographie où se dessinent des pièces de puzzle, des cartes géographiques, etc. bref, une part de subconscient mis en relief grâce à son matériau de prédilection : La résine.
Au-delà de la sensualité inhérente et visible de la femme, ce sont les intériorités des femmes qui sont dépeintes. Mais cela ne relève que de ma perception.
UNE COULÉE DE PATIENCE
ce que je vois de lui
Francesco ne cache pas son influence issue de l’art nouveau et ses peintures semblent commémorer les Œuvres de Klimt : le même amour de la femme, de la sensualité en moins sulfureux et à ceci près que Francesco utilise de la résine en grande quantité pour donner du relief à ses œuvres, là où Klimt utilisait une grande quantité d'or sur ses tableaux pour leur donner du flamboyant.
Cette variante relève aussi de la prouesse au vu de la difficulté et des contraintes de travailler avec la résine. Et elles sont nombreuses.
Tout d’abord, il faut prendre en compte le laps de temps très court, à savoir 10 minutes maximum, pendant lequel on peut l’utiliser et placer la résine sur le tableau. Ensuite, le temps de séchage qui lui est très long, minimum 24H, délai qui peut augmenter selon le volume utilisé.
Chaque nouvelle couche ou couleur utilisée nécessitera d’attendre là encore 24h.
Autre inconvénient : La résine étant relativement fluide, cette dernière peut couler sur d’autres parties du tableau, prendre des chemins aléatoires, peut se mélanger arbitrairement aux couleurs. Ainsi, il est nécessaire d’inclure dans sa création, une part d’abstrait. Si l’effet ou le résultat désiré ne correspond pas au rendu voulu, l’artiste voit l’ensemble de son tableau compromis. Enfin, La résine a le défaut de jaunir heureusement Francesco le mélange avec des pigments et il n’est pas impacté par ce problème.
Ainsi, la résine demande rapidité d’exécution, patience, abstraction ou un certain sens de l’imprévu dans le résultat final.
C’est d’ailleurs peut-être cette part de lâcher-prise que j’ai cerné en lui lorsque je parlais de distance lucide.
NOTRE RENCONTRE : L’EFFET MIROIR
Ce que j’apprends de moi
Francesco figure parmi les artistes dont j’avais prévu de visiter l’atelier lors des portes ouvertes d’artistes de Belleville. Ses quelques œuvres répertoriées sur l’affiche, ont suffi pour que je veuille en connaitre davantage sur lui, le rencontrer. Sur le site, une brève présentation de lui et de son travail à base de résine, ce qui a le mérite d’intensifier mon intérêt. A ma connaissance, peu d’artistes travaillent avec ce matériau, excepté pour donner une finition et un vernis final à leurs tableaux.
C’est lors de notre entrevue dans un café de Belleville que j’ai pu glaner quelques informations supplémentaires sur son parcours, et recueillir son avis sur quelques thématiques en corrélation avec l’art et les artistes.Francesco m’accueille avec une sobriété décontractée.
Il serait présomptueux de ma part, après une seule entrevue, de parler de force tranquille mais la sonorité harmonieuse de sa voix, posée mais profonde, fait fondre tous les malaises qui accompagneraient normalement les premiers rendez-vous. Même les évocations des vicissitudes qu’il affronte actuellement, se drapent d’une distance lucide. Il a l’écoute facile malgré le chapelet de mes questions. J’ai appris beaucoup sur la résine, sur qui il est mais plus encore sur l’art de la communication. En réécoutant mon interview, j’ai pris conscience que je l’avais souvent interrompu sans l’avoir laissé forcément aller au bout de sa pensée et de son raisonnement. Ce qui finalement m’a beaucoup frustré, mais cela me servira pour les prochaines fois inéluctablement
Ce qu’il ressort également de notre échange est la nuance qu’il apposât dans ses réponses et prises de position malgré là encore, mes questions parfois tranchées. Si je devais le résumer en une phrase Je dirais qu’il met en relief les nuances ou il nuance les mises en relief.
J’ai rencontré quelques artistes, qui avaient en commun de commencer à peindre ou de sculpter sans avoir une représentation précise de ce qu’ils voulaient. Ainsi, autant le proverbe affirme que "c’est en mangeant que vient l'appétit", autant pour ces artistes, c’est en peignant que l’inspiration apparait et se matérialise, que la peinture ou la sculpture prend forme. Partant ainsi d’une vague idée, d’une envie plus ou moins abstraite, c’est au fur et à mesure de leur avancement que leur œuvre prend une direction formelle.
Pour Francesco, la démarche est contraire : il a une image précise de ce qu’il souhaite peindre avec au final, une dimension aléatoire, voire abstraite grâce à une coulée indomptable. Cette souveraine résine qui décide alors de nuancer la mise en relief ou de mettre en relief la nuance.
DÉNOUER LE NŒUD GORDIEN DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
ce auquel il est ou sera confronté
Au fil de notre conversation, nous évoquons un sujet qui pour bon nombre d’artistes, inquiète : l’empiètement de l’Intelligence artificielle dans la création artistique. Là encore, Francesco joue la carte de la nuance et avance des arguments valides.
« Il y a quelques années, l’émergence du numérique (Photoshop avec ses filtres et son post-traitement, appareil numérique entres autres), avait provoqué les mêmes remous, le même tollé, les mêmes frayeurs auprès des illustrateurs et des photographes », me fit-il remarquer.
Et en effet, avec du recul, beaucoup se sont adaptés et ont embrassé le mouvement. Nécessité oblige.
A ce moment de la discussion, une question effleure mes pensées : quel est le coefficient pertes/bénéfices de ces avancées technologiques ? Et qu’est ce qui en arrière-plan nous motive ? Finalement ne serait-ce pas la question à se poser. Francesco m’apportera la réponse.
Encore aujourd’hui, beaucoup s’adaptent en portant leur regard sur ce qu’ils gagnent en temps, en productivité, en rapidité d’exécution, en une reproduction de perfection illusoire etc. D’un revers de main, ils balaient ce qu’ils y perdent au passage. En insistant sur le métier de photographe, nombre d’apprentissages techniques seront bientôt oubliés : Savoir faire les réglages nécessaires sur son matériel, contrôler la vitesse d'obturation, l'ouverture du diaphragme, la sensibilité ISO, l’utilisation de la règle des 1/3, etc. Bien sûr, entre temps, ils ont acquis d’autres talents et, là où la chimie servait d’assistant au photographe, aujourd’hui, c’est le numérique et le technologique qui prennent le relais.
Et si on agrandissait notre focale ?
Mais au-delà de l’aspect de l’apprentissage et de la technique, il y a une part plus subjective du métier de photographe, sa fonction essentielle qui risque de disparaitre. Car avant tout un photographe est un témoin oculaire attentif du monde qui l’entoure. Être photographe, c’est savoir regarder, prêter attention aux détails, capter le réel mais aussi une émotion, un sentiment pour reproduire un ressenti cognitif. Ainsi, à travers son appareil, le photographe questionne le monde, qu’il retransmet avec le moins de mise en scène possible. Le photographe « d’antan » était un témoin du réel. Cette définition essentielle du photographe ne sera bientôt plus.
Le photographe d’aujourd’hui semble essentiellement motivé par l’esthétisme, le perfectionnisme (comme si la vie était parfaite, comme si l’être humain était parfait) la performance, la reconnaissance, et la valorisation. Le photographe d’aujourd’hui ne cherche-t-il pas essentiellement à reproduire des situations, à séduire ? Cela ne leur enlève pas pour autant, la maitrise des techniques, ni la créativité mais ils ont perdu, me semble t -il, dans cette course de fond, l'essence de leur fonction principale.
Si nous sommes capables de concevoir la différence qui existe entre être témoin du monde et reproduire des situations, alors peut-être que nous serons capables de consentir à l’idée que, le numérique tout comme le technologique, participe à nous faire vivre dans une illusion d’optique alors que nous perdons pied avec le réel. La connexion numérique pour être déconnecté du réel.
L’intelligence artificielle semble donc, être une suite logique et participe, selon moi, à la même logique.
L’art d’aujourd’hui se consumera-t-il au bucher des vanités ?
A une époque où nous tentons d’adopter le « slow » et le « moins » slow tourisme, moins de déchets, moins d’achats, moins de gaspillage, cette supposée surenchère du « faire, de la productivité, de la reconnaissance et du perfectionnisme » me laisse perplexe, mais je reconnais ne pas avoir, peut-être toutes les données en main.
Malgré tout, sans aspirer à être la digne émule de Francesco, je fais le travail de relativiser.
LES SENS OU L’ESSENCE DE L’ART
Ce que l' artiste souhaite transmettre
Pour Francisco, L’IA peut cependant avoir ses atouts tant qu’on l’utilise non pas comme un outil de finalité mais comme moyen d’inspiration.
Il ne rejette donc pas tout en bloc, mais il insiste malgré tout, sur un point :
Derrière la création d’une peinture ou d’un tableau, il y a des efforts, une réflexion, du travail. Il admet cependant que ceux qui s’adonnent aux outils technologiques pour leur création, peuvent se réclamer des mêmes arguments.
La réelle différence, pour Francesco, réside dans le message ou dans ce que l’artiste veut transmettre. Dans le cas de Francesco, il veut exhumer la part de subliminal et de primaire qui est en nous. Ainsi, son œuvre doit provoquer une réaction alchimique, bonne ou mauvaise, car elle ne sera, tout compte fait, que l’expression du subconscient.
Francesco le clame : Ses peintures doivent donner des clés ou ouvrir un accès à une grille de lecture. A travers ses œuvres, il permet de dépasser le seuil de la conscience, de transcender les choses ancrées dans l’homme qui ne peuvent pas être exprimées autrement.
L’art issu de l’intelligence artificielle, témoigne, à n’en pas douter, d’une certaine maitrise technique et l'art de compositions diverses et variées mais celles-ci demeurent souvent vides de sens et de ressenti émotionnel.
L’art a donc la noble charge de venir titiller une part de notre tréfonds, de faire surgir ou ressentir des émotions.
En résumé, réunir la création et la technique sous l’appellation de l’art, c’est dissoudre l'émotion dans la technique. Selon moi, l’art technologique (Pardonnez-moi ce non-sens mais j’ai pris la liberté de l’intituler ainsi… Après tout, il existe bien des mots contradictoires comme tolérance Zéro, réalité virtuelle, alors pourquoi pas l’art « technologique « ? ) enlève aussi ce qui, à mes yeux semble fondamental à l’art traditionnel : la manipulation des pigments, les textures, le ressenti, bref, tout ce qui nous met en contact avec nos qualités sensorielles.
Dans la seconde partie consacrée à Francesco Romano : Qu'est ce qui motivent vraiment les artistes? Comment composer avec l'intelligence artificielle ou comment considérer ces nouvelles technologies? Quel avenir pour l'art ? comment la pédagogie et l'enseignement favorise ou freine la construction harmonieuse des enfants et les intelligences multiples? Et enfin, comment les artistes participent à l'équilibre du monde?
E-mail : francesco.romano.arts@gmail.com
Site Internet : https://www.francescoromanoart.com/