LETTRE OUVERTE À LA DIASPORA CAPVERDIENNE

ou comment se fourvoyer avec des à-priori?

OU

CAP-VERT, CACHÉ DERRIÈRE SON ROCHER ?

CAP-VERT, PROJET EN GESTATION?

LE CAP-VERT, UNE IDENTITÉ FIGÉE ?

Il y a un an de cela, j'ai décidé de partir au Cap-Vert. Comme tout un chacun, je me renseigne auprès de différents sites pour me faire une idée de ce que je vais y découvrir et pour avoir la bonne approche auprès des Capverdiens.

En consultant les sites, je m'interroge : d'un blog à l'autre, d'une vidéo à l'autre, les internautes, voyageurs, exposent les mêmes clichés, relatent le même émerveillement, consignent les mêmes lieux, tel un témoin que chacun se repasserait, pour véhiculer et consolider une même et unique image du Cap-Vert et des Capverdiens.

Soit, je sais d'emblée comment, à travers les sites et les perceptions des autres, est perçu le Cap-Vert et les Capverdiens. Une impression d'identité figée qu'on essentialise comme s'il n'y avait rien de plus à entrevoir !

Certes, les sites n'ont pas menti! Paysages luxuriants, accueil et hospitalité sont bien présents. Cependant, je perçois une fois arrivée au cap-Vert, plus, beaucoup plus que tout ce qui fut reporté et noté.

Mais c'est indicible, immatériel, impalpable, comme un souffle évanescent, comme une inspiration que le Capverdien n'a pas encore pu exhaler : L'essence Capverdienne discrète, éparpillée, et à l'hexagone, presqu'inapparente?

De retour à Paris, je cherche à en savoir plus et à appréhender, donner forme et consistance à cette impression éthérée qui me tenaille. C'est lors de mon entrevue à Paris, avec Alan Alan, artiste peintre, que je glane quelques indices lorsque je l'interroge sur l'âme du Cap-Vert.

Il met à jour, en une phrase, ce sentiment que j'avais du mal à cerner, que j'ai pressenti tout le long de mon voyage sans pouvoir l'identifier : "Tous les Capverdiens ont des âmes d'artistes mais, excepté pour la musique, nous n'avons peu de moyens et possibilités de le montrer" me dit-il. Je rejoins Alan Alan et je vais plus loin, nous avons tous et toutes des âmes d'artiste. Mais bien souvent face aux aléas de la vie, aux contingences économiques, cette âme héritée de l'enfance, (lorsque nous ne nous laissions porter par l'envie d'expérimenter sans peur du jugement, sans esprit de compétition, ah c'était la belle vie) s'est réduite au fur et à mesure en peau de chagrin. Nous avons donc, quoique nous pensons, tous des âmes d'artistes. Beaucoup d'entre nous, sommes des artistes qui s'ignorent.

Peu de possibilités de montrer l'âme et l'essence Capverdienne! Comment dès lors, le Capverdien peut-il exister autrement qu'à travers le regard sommaire et superficiel des autres?

Pour connaitre l'âme d'un peuple, suivez le fil rouge de sa culture. Tout d'abord ses arts traditionnels puis sa peinture, sa sculpture, sa musique, ses arts visuels, son cinéma. .Ce fil qui se dessine en dehors des perceptions des touristes, des prismes, des autres, celui qui vient du tréfonds du Capverdien, celui qui mettra en avant sa véritable essence.

Je vous ai cherché dans des initiatives instruites ici, en France par vos pairs: Exemple, la casa Cabo Verde, fermé depuis, comme tant d'autres sites Capverdiens qui aujourd'hui n'existent plus. Tant de belles volontés et propositions même au Cap-Vert, comme le festival international de Praia, Foto Progresso et encore bien d'autres projets inexistants depuis. Certes, les conditions économiques sont une variable à ne pas négliger mais toute initiative peut perdurer si cette dernière s'attache au soutien et à la volonté de sa communauté.

Je vous ai tant cherché ici en France ! S'il vous plait, montrez-vous, laissez-moi entendre vos murmures, votre voix, vos espoirs, vos attentes, votre altérité, laissez-moi approcher votre âme pour que je l'honore et en parle comme il se doit.

Bien sur, je vous ai trouvé en partie à travers les douces mélopées, le déchirement et la nostalgie de la Morna. J'ai entendu la complainte qui accompagne vos musiques, j'ai entendu les sons de l'arrachement à votre terre. Je vous ai trouvé autant dans les traditions musicales africaines que dans le syncrétisme musical ibérique, brésilien et caribéen. Je vous ai trouvé dans la gaieté et le sarcasme de la Coladeira,, je vous ai trouvé dans la Batuka et sa romance, ses revendications féminines et sa verve satirique envers les hommes de l'île, je vous ai trouvé dans la Kola qui accompagne les débuts des travaux agraires, je vous ai trouvé dans la Batanka qui consolide les relations, résoud les conflits, entraide, oui, je vous ai retrouvé dans chacun de vos lyrismes, dans chacune de vos harmonies variées.

Mais la musique Capverdienne n'a t-elle pas invisibilisé les autres expressions artistiques qui parlent du Capverdien et de son essence.

La musique ne peut porter, à elle seule la charge de témoigner de l'intériorité Capverdienne, car il existe multiples façons de faire résonner l'essence et les palpitations propres au Cap-Vert.

POURQUOI ARTS & CULTURE SONT IMPORTANTS POUR L'IDENTITÉ D'UN PAYS?

Face aux difficultés économiques, aux impératifs familiaux et autres contingences, l'art est souvent perçu comme secondaire. Il est pourtant la conscience d'être d'un pays.

Les disciplines artistiques d'un pays représentent ses richesses intérieures. Elles sont l'image que le peuple, en l'occurrence ici, le Capverdien porte sur lui-même, elles sont le verbe qu'il parle et qui lui parle. Les richesses artistiques d'un pays attestent de ses réalités propres, d'une voix qui lui est propre, d'un regard qui lui est propre, d'une expression qui lui est propre. Toutes ces réalités, tous ces regards, ces voix, forment les maillages d'une identité qui lui est propre.

L'âme d'un peuple s'enracine dans chacune de ses peintures, son idiosyncrasie transparait dans chacun de ses essais filmiques, ses voix dans chaque pièce de théâtre, dans chaque musique, ses héritages dans chaque artisanat.

Les arts et la culture sont l'âme d'un pays et ils ne doivent nullement devenir secondaires, accessoires, invisibles malgré les vents contraires. Les arts et la culture sont des leviers de transformation et sont acteurs du développement autant local que national.

Sous-estimer les arts et par la même occasion, la nature transversale et expansive des arts et de la culture, c'est d'une certaine façon, se soustraire au monde, se vouer à l'immobilisme, se mettre en retrait, car l'art joue pour beaucoup dans la définition de l'identité nationale et de sa visibilité.

Les arts et la culture doivent-être omniprésents pour s'affirmer face aux images figées, aux raccourcis. Les arts & la culture d'un pays sont un perpétuel réajustement entre, d'une part l'image que l'autre, le touriste, l'étranger, (moi y compris), se fait d'une population, de son histoire, de ses traditions, et d'autre part l'identité, la vision que le Capverdien renvoie de lui-même.

Lorsque les richesses extérieures d'un pays sont plus importantes ou plus visibles que ses richesses intérieures, un pays est comme un bateau qui ne jamais s'amarre, qui vogue au gré des évènements, des perceptions, exigences et besoins des autres.

LE CAP-VERT, CARREFOUR CULTUREL?

Certaines choses bougent au Cap-Vert, mais plus encore les individus, passant d'un état à l'autre, d'une frontière à l'autre. Mais ici, en France, est ce que je me trompe si je parle d'un no man's land culturel?

En France, l'art peine à ancrer et enraciner l'âme du Cap-Vert. Seuls quelques activistes après la décolonisation et dans les années 50, dont les actions et manifestations sont connus et relayés. Pourtant, des jeunes réalisateurs, des peintres et sculpteurs prometteurs Capverdiens existent alors même qu'ils ne sont pas manifestes, vus, visibles.

Où se situe l'art dans l'esprit Capverdien? Entre l'Afrique et l'Europe dit-on !

Quelle est votre pensée la plus fertile ? Quelle africanité vous définit? quelle européanité vous appréhende? quelle est l'expression la plus authentique de vous ? quelle esthétique est la plus vraie pour vous ? Quelles verticalités soutiennent votre identité ? Quelle est la figure contemporaine artistique la plus incandescente de votre archipel ? Comment transcendez-vous les carcans sociaux et comment vous imposez-vous à l'extérieur? comment revendiquez-vous votre identité, votre singularité? Comment démontrez-vous votre résistance, votre adaptation, votre résilience, votre allant, votre créativité face aux obstacles structurels? Comment ouvrez-vous les voies aux possibles ? Quelle juste conscience de vous-mêmes avez-vous et comment la partagez-vous au monde entier ?

Comment se définit l’immanence Capverdienne à travers le regard Capverdien, à travers l'art Capverdien ? Est- ce que les autres la perçoivent et comment pourraient-ils la percevoir, si vous n'êtes pas assez présents, si vos contenus ne sont pas assez visibles sur la scène artistique et culturelle pour percevoir qui vous êtes?

Je vous pose la question parce que je vous ai cherché. J'ai parcouru les festivals, les coopérations, les expositions, etc.

Parce que l'art répond à plusieurs principes, dont celui de s'émanciper du regard d'autrui et de se réinventer, Je souhaite témoigner de votre résilience et résistance, malgré les freins économiques et structurels, malgré les carences propres au Cap-Vert, malgré le peu de représentativité ici et là, j'aspire à démontrer votre allant, votre créativité en dépit de collaborations encore éphémères, d'infrastructures inexistantes ou balbutiantes

Là encore, superposez votre singularité aux exigences globales. Superposez votre spécificité, pour refuser d'être dilué dans le seul magma économique et matériel, pour refuser de n'exister que dans l'"avoir" sans jamais exister dans "l"être" mais surtout pour vous rappeler combien l'âme capverdienne précède toutes choses.

Plus que jamais aujourd'hui, nous avons besoin de sortir de l'uniformisation et de l'ombre. La chance vous est donnée de pouvoir encore le faire, et ceci par le biais des arts. Car l'art est émotion, âme, intuition, ressenti, gestation, immanence et transcendance!

Mais l'art est plus que cela encore et c'est Amilcar Cabral qui l'exprimait le mieux " La culture n’est pas un simple artéfact ou qu’une expression esthétique, de coutume ou de tradition. C’est un moyen de proclamer et d’inventer son humanité, un moyen d’affirmer le pouvoir d’agir, de maintenir sa culture vivante et de maintenir aussi l’idée d’universalité humaine"

L'ART CONTRE L'UNIFORMISATION

Je le reconnais, la discrétion est un trait dominant chez le Capverdien. Ce qui ne doit pas vous empêcher de faire briller vos particularismes. Montrez-vos atouts pour que votre discrétion ne se convertisse pas en Invisibilité !

Diaspora Capverdienne, devenez la courroie de transmission de votre identité, devenez des activistes culturels pour que le Cap-Vert ne se dilue pas dans l'idéal des autres, un idéal qui ne serait pas vôtre. Montrez-vous pour que l'art Capverdien devienne un idéal à ajouter parmi d'autres idéaux. Une identité ne peut vivre, même éparpillée, si sa diaspora ne participe pas à son maintien, à son rayonnement, à son existence.

Je vous ai cherché lors de la manifestation d'Akaa (Foire d'art contemporain et de design d'Afrique), je vous ai cherché dans les projets d'Afrique Créative, je vous ai cherché dans les festivals de cinéma, je vous ai cherché dans les différentes manifestations culturelles et artistiques de France, dans les différentes coopérations culturelles et artistiques de France. la liste est non-exhaustive.

Alors oui Je vous ai trouvé au Festival international du cinéma indépendant IndieLisboa de Lisbonne, au Festival international du film O CUBO, au Festival international du film documentaire de St-Louis au Sénégal.

OÙ ÊTES-VOUS ?
UNE QUESTION DE LÉGITIMITÉ ?

Je vous dis "permettez" car me considérez-vous comme assez légitime pour vous donner la parole ?

Alors même que j’ai toujours clamé et continue de clamer que les personnes les mieux placées pour parler d’un pays, de ses valeurs, sont ses habitants eux-mêmes, en quoi serais-je légitime pour créer ce documentaire ?

Peut-être qu’en tant qu’antillaise, j’aspire à un rapprochement entre le Cap-Vert et les Antilles ? Après tout, nous avons quelques dénominateurs communs.

Qu’est-ce qu’un antillais, une antillaise, si ce n'est un patchwork culturel et identitaire, africain, indien, européen, etc. Nous antillais, sommes un peuple de transplantés, même si nos origines sont issues des indiens Caraïbos. Le capverdien n'est-il pas également le résultat d'un syncrétisme culturel et identitaire autant africain qu'européen, d'une transplantation de population?

Mais vous avez un avantage non négligeable : vous êtes un PAYS ! Nous ne sommes aux yeux d'autrui, qu'un prolongement, une extension d'un autre pays, en l'occurrence la France. C'est à travers vos manifestations artistiques et culturelles que nous pourrons percevoir ce qui fait d'un capverdien, un Capverdien, que vous pourrez afficher vos couleurs, irradier votre identité et montrer ce que signifie de faire partie d'un carrefour culturel.

Alors, je ne serais vraiment jamais totalement légitime si je m’accorde à mon principe de base.

Mais le seul moyen que j'ai trouvé pour négocier moralement avec mon illégitimité de principe, c'est de réaliser ce documentaire avec les Capverdiens, d'entendre et de faire résonner leurs voix, leurs échos, afin de publier et de rendre visible, audible, les pensées des Capverdiens que j'aimerais davantage entendre ici en France.

UNE COOPÉRATION HORS DU COMMUN ?

Seriez-vous les bénéficiaires de ce projet? je l'espère et j'espère que cela posera des jalons pour de nouvelles aventures. Pour cela, j'ai besoin de vous comme partenaires car force est de constater, qu'en France, les partenariats culturels envers et pour le Cap-Vert ne sont pas nombreux.

Alors, si faute de partenariats institutionnels, nous pouvons montrer et démontrer que des partenariat basés sur une volonté et conscience commune peuvent, non seulement donner des résultats, mais aussi dépasser les rigidités administratives, politiques, sociales, les rigidités élitaires, peut-être que les autres partenariats suivront.

Permettons-nous d'étendre le principe de coopération culturelle et artistique, dans un premier temps hors du champ institutionnel, pour diffuser une "culture de la coopération populaire, mutuelle". Permettez que les disciplines artistiques soient le fruit de coopérations entre individus, mus par des dénominateurs communs, la détermination et l'audace de prendre place sur la scène artistique et culturelle.

Après tout, pourquoi demander aux institutions, si on n'essaie pas déjà soi-même de le faire. Quelques "activistes culturels" s'y emploient déjà mais il faut à la nation le soutien de tous ses habitants pour décliner ses réalités propres.

Décider d'inclure les arts & la culture de façon plus formelle dans la diaspora Capverdienne?

Soutenir une plus grande présence artistique et culturelle du Capverdien dans l'Hexagone, susciter l'engouement artistique pour la jeunesse à venir.

Identifier les volontés, les réflexions que le Capverdien portent sur l'art, sur l'artiste (Témoignez vos élans, vos difficultés, vos approches, vos échecs en matière artistique et culturelle.) Quels sont les écueils (autres que l'omniprésence musicale et les handicaps économiques ) qui invisibilisent en France, l'art Capverdien.

Déterminer les points d'appui, les points de vigilance, les pierres d'achoppement. établi un panorama, un état des lieux des artistes mais aussi des activités artistiques et culturelles en France, des associations ou autres qui soutiennent les besoins des Capverdiens en matière d'art : tel est le fil rouge de mon propos.

DANS QUEL BUT ?
Pour ne plus laisser les arts visuels Capverdiens aux portes de l'art....

Alors Capverdiens, montrez-vous, montrez-nous vos particularités, pour garantir votre présence artistique et culturelle autant dans les espaces ruraux du Cap-Vert que dans les manifestations culturelles ici en France.

Attestez d’une voix qui vous est propre et permettez que j'y concoure.

Mettre en synergie les différentes créativités, impliquer les différentes sphères, les communautés et la diaspora dans cet élan créatif, pour ne plus laisser les Capverdiens aux portes de l’art.

Pour s'assurer que les arts visuels émergents et diverses disciplines artistiques reçoivent l'appui et l'accueil nécessaire de votre pays, de votre communauté, de votre diaspora, afin que les diverses entités culturelles s'affairent à défendre vos droits culturels & à rendre enfin visible vos potentialités artistiques et culturelles du Cap-Vert.

COMMENT?

UN DOCUMENTAIRE POUR COMMENCER ?

Si vous me le permettez....

COMMENT PARTICIPER AU PROJET?

et comment m'aider pour ce documentaire?

Peut-être qu'en lisant cette lettre, vous trouvez que j'ai tort dans mes appréciations sur le cap-Vert, que je suis mal renseignée, que ce n'est que le point de vue simpliste et limité d'une étrangère.

Soit, raison de plus pour faire entendre votre voix et ne plus laisser l'imaginaire collectif décider de qui vous êtes. Pourquoi ne pas prendre la parole? Pourquoi ne pas m'aider à mettre à nu mes contradictions, confronter mes fausses idées, me donner une approche circonstanciée?

Et si vous pensez que mon regard peut-être juste bien qu'incomplet, comment renverser la tendance?

1) Alors n'hésitez pas à suivre le projet :

2) Partager à vos connaissances Capverdiennes cette lettre ouverte

2) Communiquez moi des artistes Capverdiens que vous connaissez ou appréciez ( sculpteurs, peintres, réalisateurs, vidéastes, etc) avec qui je pourrais échanger: (mail, réseaux sociaux )

3) si vous avez des relations dans diverses associations, organismes Capverdiens qui peuvent me fournir plus de détails.

4) Je vous tiendrais au courant des démarches, des retours ou même des échecs, ce qui pourrait donner lieu à des discussions, débats et autres si vous le souhaitez. Vous pouvez ainsi m'orienter dans la façon de faire, ce que aimeriez mettre en valeur.

5) De mon côté, au fil de l'évolution du projet, je mettrais des infos pour les artistes Capverdiens.

MERCI À VOUS !